Le système urinaire (cours 2)


5. Etude détaillée du néphron

Le parenchyme rénal est subdivisé en deux parties, le cortex et la médullaire; cette subdivision provenait de la disposition des différents segments des néphrons. Cette leçon­ci sera consacrée au glomérule rénal.

5.1. Glomérule

5.1.1. Feuillets

Les glomérules rénaux, situés dans le cortex, sont dispersés entre les tubules. Ce sont des corps globulaires d'un diamètre variant entre 150 et 200 µm. Ils sont disposés en rangées plus ou moins parallèles et perpendiculaires à la capsule, le long des artères interlobulaires.

Le glomérule rénal est le premier segment du néphron. Il est composé d'une touffe de capillaires en provenance de l'artériole afférente et drainée par l'artériole efférente. Cette touffe, le flocculus rénal, est enveloppée par la capsule de Bowman. Entre les capillaires du flocculus se trouve le mésangium.

Le glomérule est une sphère dont la cavité est l'espace urinaire de Bowman. Le flocculus y est suspendu. Les nombreuses anastomoses entre ses capillaires le transforment en un vaste réseau. Quelques cellules mésangiales ont été dessinées en violet. Les deux feuillets qui délimitent l'espace urinaire constituent la capsule de Bowman.

Le feuillet viscéral enveloppe très étroitement la touffe vasculaire et en épouse tous les contours. Il n'a été représenté que dans la partie supérieure gauche du dessin et est en continuité avec le feuillet externe ou pariétal. On appelle pôle vasculaire l'endroit où l'artériole afférente pénètre dans le glomérule et où l'artériole efférente le quitte. A ce niveau, le feuillet pariétal se réfléchit dans le feuillet viscéral. Le pôle opposé est appelé urinaire parce que la lumière de la capsule de Bowman y est en continuité avec celle du tube contourné proximal.

Dans une préparation histologique, l'aspect des glomérules dépend de l'incidence de la coupe. Le plus souvent la coupe est équatoriale et ne passe donc par aucun des deux pôles. Dans ce cas, la lumière de la capsule de Bowman a l'aspect d'un anneau continu autour d'une masse centrale. Celle­ci se compose des capillaires du flocculus entourés du feuillet viscéral. On peut, dans la masse, distinguer les petites lumières des capillaires et donc identifier certaines cellules endothéliales désignées par une tête de flèche, parce que leur noyau fait saillie dans ces lumières. Les noyaux situés entre les capillaires appartiennent aux cellules mésangiales. Le feuillet viscéral est difficilement identifiable parce qu'il est étroitement accolé aux capillaires. A certains endroits, on peut cependant repérer le noyau plus clair d'une de ses cellules, parce qu'il fait saillie dans l'espace urinaire (flèches). Les replis de ce feuillet délimitent également les diverses incisures que l'on observe dans la masse glomérulaire. Le feuillet pariétal est un épithélium pavimenteux simple.

5.1.2. Pôle vasculaire

Parfois la coupe passe par le pôle vasculaire. Dans ce cas, l'espace urinaire a toujours la forme d'un croissant car le feuillet pariétal se réfléchit à cet endroit et y est en continuité avec le feuillet viscéral. Même quand la coupe passe par le pôle vasculaire, l'aspect varie d'après son incidence. Ici, la coupe est oblique et passe par une des artérioles, reconnaissable à son endothélium et à sa tunique musculaire.

Lorsque la coupe intéresse le pôle vasculaire mais que son incidence est à peu près perpendiculaire à la précédente, on ne voit pas les artérioles afférente et efférente. Par contre on distingue clairement un tube, dont la paroi est composée de cellules cubiques, et un petit amas cellulaire cunéiforme situé entre ce tube et le flocculus. Le tube et l'amas cellulaire appartiennent à l'appareil juxtaglomérulaire. La fente urinaire a la forme d'un croissant parce que le feuillet viscéral de la capsule de Bowman se réfléchit à cet endroit pour devenir feuillet pariétal.

5.1.3. Pôle urinaire

Le pôle urinaire est à l'autre extrémité du glomérule. Son identification est aisée car, à cet endroit, la transition entre l'épithélium pavimenteux du feuillet pariétal et l'épithélium cubique du tube contourné proximal est brusque; de plus la lumière de l'espace de Bowman est en continuité avec celle du tube proximal. Les quelques agglomérats rouges qui s'y trouvent sont de petits précipités protéiques provoqués par la fixation.

Exceptionnellement l'incidence de la coupe à travers le glomérule permet de voir les pôles urinaire (U) et vasculaire (V). Dans ce dernier, on distingue les deux artérioles (1 et 2) et l'appareil juxtaglomérulaire (3). L'espace de Bowman est crescentiforme et en continuité avec la lumière du tube proximal.

L'organisation des différents éléments qui entrent dans la constitution du glomérule peut en coupe être schématisée comme dans ce dessin. Le glomérule possède un pôle vasculaire (P.V.) et un pôle urinaire (P.U.). Les capillaires du flocculus (C) sont représentés en vert. Le feuillet viscéral (F.V.), représenté en bleu, est une membrane continue qui cloisonne la masse des capillaires et adhère étroitement à leur paroi. Là où ils ne sont pas couverts par le feuillet viscéral, les capillaires sont en rapport avec le mésangium, composé de cellules noyées dans la substance mésangiale. L'espace urinaire de Bowman (E.B.) est limité en dehors par le feuillet pariétal (F.P.).

5.1.4. Cellules du glomérule

Voici cette organisation glomérulaire telle qu'on peut l'observer sur une coupe d'un demi-micron colorée au bleu de toluidine. On reconnaît aisément les capillaires délimités par les cellules endothéliales dont le noyau fait saillie dans la lumière, qui contient parfois quelques érythrocytes. Le flocculus est bordé en périphérie par les cellules du feuillet viscéral, les podocytes dont nous reparlerons. Entre les anses capillaires se trouve le mésangium dont les cellules sont noyées dans la substance mésangiale amorphe (têtes de flèche).

5.1.4.1. Endothélium

L'endothélium des capillaires est du type fenestré. Les expansions très fines des cellules endothéliales sont percées de nombreux pores dont le diamètre est compris entre 25 et 100 nm. Ils sont parfois munis d'un diaphragme dont l'épaisseur ne dépasse pas 7 nm. Près du noyau, la coupe de la paroi endothéliale est tangentielle, les pores sont vus de face, ils forment un réseau complexe.

5.1.4.2. Mésangium

Les cellules mésangiales, de forme irrégulière, présentent de nombreux prolongements et contiennent les organites cytoplasmiques habituels. Leur origine est très controversée. Pour certains, elles seraient d'origine conjonctive; d'autres les assimilent à des cellules musculaires; d'autres enfin leur attribuent une origine monocytaire. Tous cependant admettent qu'elles ont une grande activité de phagocytose, fonction démontrée par l'injection de particules marquées que l'on retrouve après un certain temps dans ces cellules. On suppose qu'elles phagocytent les résidus de filtration déposés sur la membrane basale. C'est pourquoi certains ont émis l'hypothèse qu'elles interviennent dans la régénération constante de la membrane basale; la cellule mésangiale en éliminerait les couches profondes les plus anciennes tandis que, dans le même temps, les cellules du feuillet viscéral déposeraient de nouvelles couches. Notons cependant que les cellules mésangiales ont été longtemps considérées comme les cellules de support des anses capillaires assurant la cohésion du flocculus.

Les cellules mésangiales sont entourées d'une matrice amorphe de densité variable, la substance mésangiale. Sa quantité est considérablement augmentée dans certains cas pathologiques, notamment lorsque s'y accumulent des immunoglobulines. Leurs dépôts se traduisent par des masses amorphes plus denses aux électrons que la substance elle­même.

5.1.4.3. Feuillet pariétal

Le feuillet pariétal ou feuillet capsulaire est particulièrement simple. Il est constitué d'une couche unique de cellules pavimenteuses qui, près du pôle vasculaire, se transforme en feuillet viscéral. Ses cellules aplaties dont le noyau fait saillie dans l'espace urinaire, deviennent plus hautes à mesure que l'on se rapproche du pôle urinaire, finalement elles acquièrent un aspect cubique et l'ultrastructure des cellules épithéliales tubulaires.

5.1.4.4. Feuillet viscéral: podocytes

Le feuillet viscéral quant à lui est profondément modifié par ses rapports immédiats avec les capillaires du flocculus. Les cellules de ce feuillet sont des podocytes. La microscopie électronique à balayage permet de mettre en évidence la structure tridimensionnelle du feuillet viscéral. On se trouve ici dans l'espace de Bowman. La masse centrale est un corps cellulaire contenant le noyau. Elle émet des prolongements relativement épais qui s'étalent de façon radiaire en formant une corbeille autour du vaisseau. De ces prolongements se détachent des diverticules plus courts. Ce sont les pédicelles qui s'organisent avec ceux des podocytes voisins tout en ménageant un espace, la fente de filtration. Bien qu'épithéliales à l'origine, ces cellules ont perdu, au cours de l'embryogenèse, certaines de leurs caractéristiques épithéliales et notamment celles qui leur permettaient de rester étroitement associées.

Un plus fort grossissement de la partie encadrée dans la micrographie précédente permet de préciser les rapports des pédicelles. Ceux­ci proviennent de prolongements primaires voisins qui peuvent appartenir à plusieurs podocytes. Ils sont situés dans des plans différents et s'enchevêtrent les uns dans les autres, formant ainsi une sorte de pelote à la surface du vaisseau. La fente de filtration est l'espace très étroit et continu qui sépare les pédicelles enchevêtrés.

La microscopie électronique à transmission permet, à relativement faible grossissement, de préciser les rapports entre les podocytes et les autres éléments du glomérule. On reconnaît très facilement le capillaire (C) délimité par un endothélium fenestré. Appliqués contre le capillaire se trouvent le corps d'un podocyte (P) et de très nombreux prolongements qui s'engrènent les uns dans les autres. A certains endroits, et surtout en périphérie, ces prolongements recouvrent le mésangium représenté ici par une cellule (M) entourée de substance mésangiale.

Les prolongements des podocytes contiennent très peu d'organites mais un grand nombre de microfilaments. Ce plus fort grossissement met mieux en évidence la relation entre ces prolongements et les capillaires dont ils ne sont séparés que par une membrane basale.

5.1.5. Membrane de filtration

Cette membrane basale est composée d'une couche centrale dense aux électrons et de deux couches claires. Elle est apparemment unique mais, puisque tout épithélium repose sur sa membrane basale propre, elle résulte en fait de la fusion de deux membranes distinctes, l'une produite par les cellules endothéliales et l'autre par les podocytes. Cette double origine est confirmée par l'analyse histochimique des glycosaminoglycanes qui la composent et par le fait que, dans certaines conditions pathologiques, elle se scinde en deux feuillets distincts.

Il existe donc entre la lumière du vaisseau et la lumière de la capsule une barrière composée de trois couches: l'endothélium vasculaire, la membrane basale et l'épithélium de la capsule de Bowman. Une seule, la membrane basale, est continue. D'un point de vue physiologique cette barrière est la membrane de filtration.

Cette membrane est semi­perméable; elle permet le passage de l'eau et des petites molécules mais empêche celui des molécules de poids moléculaire supérieur à 68.000 correspondant à celui de l'albumine. L'endothélium vasculaire, vu la taille de ses pores cytoplasmiques, ne peut constituer un filtre efficace; on attribue par conséquent la semi­perméabilité de la membrane de filtration à la membrane basale.

La filtration glomérulaire est la première étape de la formation de l'urine. Elle est complexe mais peut de prime abord être assimilée à une ultrafiltration du plasma à travers la membrane de filtration. L'urine primitive, que l'on peut analyser en la prélevant dans la lumière de la capsule de Bowman au moyen d'une micropipette, a le même pH, la même pression osmotique, la même concentration en sels et en éléments organiques que le plasma déprotéiné. Elle ne contient aucun des constituants cellulaires du sang et aucune protéine sanguine de poids moléculaire élevé.

Chaque minute l'ultrafiltration produit 125 ml d'urine primitive qui représentent environ le cinquième du volume plasmatique passant dans les reins. Son importance dépend théoriquement des pressions hydrostatiques, osmotiques et oncotiques qui règnent dans les compartiments vasculaire et urinaire. La pression hydrostatique utile est de 75 mm Hg, soit la différence entre la pression hydrostatique des capillaires (90 mm Hg) et la pression hydrostatique de la capsule de Bowman (15 mm Hg). La pression osmotique est identique dans les deux compartiments puisqu'elle est due aux sels et à d'autres substances de petite taille moléculaire qui se trouvent à concentration égale dans le plasma et dans l'urine primitive. La pression oncotique, due aux protéines, est de 30 mm Hg dans le plasma; elle est nulle dans l'urine primitive. La pression qui permet l'ultrafiltration à travers la membrane de filtration est donc égale à 45 mm Hg.

Nous avons terminé ainsi l'étude du glomérule rénal, première partie du néphron dont la fonction unique est la filtration du plasma. Le cours suivant sera consacré aux segments tubulaires.