Les organes lymphoïdes (cours 3)


4. La rate

4.1. Anatomie

La rate (1) est un organe ovoïde situé dans la loge splénique de l'hypochondre gauche. Elle est entièrement enveloppée par le péritoine sauf au niveau de son bord interne ou hile qui donne insertion aux ligaments gastrosplénique et pancréatico-splénique. Par l'intermédiaire du péritoine, la rate est en rapport avec le diaphragme en haut et en arrière, l'estomac (2) en avant, l'angle colique gauche et le rein gauche (3) en bas. La taille de la rate est très variable. Normalement, ses diamètres ne dépassent pas 13 cm en longueur et 8 cm en largeur et elle ne déborde pas le rebord costal.

Dans une tranche macroscopique on peut déjà distinguer les différentes parties de la rate. Les bords de la tranche sont délimités par une épaisse membrane, la capsule splénique. La surface de la tranche est parsemée de points blancs, la pulpe blanche. Tout ce qui se trouve entre ces points blancs est la pulpe rouge, habituellement pâteuse lorsque la rate est fraîchement prélevée . Elle est rouge parce que gorgée de sang.

4.2. Microanatomie

4.2.1. Pulpes

Un examen microscopique à faible grossissement permet de préciser la nature des pulpes spléniques. La pulpe blanche comprend de nombreux amas lymphoïdes. La pulpe rouge est un réseau d'espaces entre les formations lymphoïdes. Chaque pulpe est composée de deux structures qui sont représentées dans le schéma suivant.

De la capsule splénique (1) naissent des travées importantes (2) qui cloisonnent incomplètement le parenchyme de l'organe. Dans ces travées se trouvent les gros vaisseaux.

La pulpe blanche est constituée de manchons périartériolaires (3) et de centres germinatifs (4). La pulpe rouge comprend de larges vaisseaux, les sinusoïdes veineux (5) et les cordons de Billroth (6) qui sont des espaces réticulaires entre les sinusoïdes veineux.

4.2.2. Capsule et septa

La capsule splénique est épaisse et dense. Sa face externe est couverte par un mésothélium, le feuillet péritonéal viscéral. Sa composition varie selon les espèces. Chez l'homme et les rongeurs, les fibres musculaires lisses sont rares et la capsule est essentiellement conjonctive.

Dans d'autres espèces, le chat, le chien, mais particulièrement les grands carnivores sauvages, la capsule est surtout musculaire. Lors d'un effort brusque et important, les fibres musculaires lisses se contractent, les globules rouges qui stagnent dans la rate, sont expulsés dans la circulation.

Les travées qui proviennent de cette capsule ont naturellement la même structure, mais sont plus riches en fibres élastiques. Voici la coupe transversale d'une fine travée presqu'exclusivement conjonctive.

L'extrémité d'une travée est réduite à quelques fibres musculaires coupées ici longitudinalement. Les divers aspects de ces travées ne peuvent être confondus avec les autres structures spléniques.

4.2.3. Pulpe blanche

Les manchons périartériolaires sont des amas de lymphocytes qui enveloppent de petites branches artérielles, les artères centrales ou nodulaires. Ces manchons sont rarement observés en coupe longitudinale. Ils le sont plus souvent en coupe transversale. C'est pour cette raison qu'ils ont été d'abord décrits comme des nodules, les nodules de Malpighi, spécifiques de la rate parce que traversés par un rameau artériel. Dans cette préparation qui provient d'un animal perfusé, l'artère centrale est dilatée et ne contient pas de globules rouges.

Dans ces manchons, les nombreux petits et moyens lymphocytes sont emprisonnés dans les mailles de tissu réticulé. Les macrophages, les plasmocytes et les globules rouges sont rares. Comme dans le ganglion, les cellules réticulées forment autour du manchon une nappe cellulaire qui enveloppe étroitement la masse lymphoïde.

Répartis dans toute la rate mais toujours en rapport avec les manchons périartériolaires, les centres germinatifs ont la même fonction et le même aspect que dans les autres organes lymphoïdes.

On leur décrit donc une zone plus sombre, riche en immunoblastes, en macrophages et en mitoses. La zone plus claire est composée surtout de lymphocytes et de cellules dendritiques. Elle est enveloppée d'une coiffe très dense de petits lymphocytes.

4.2.4. Pulpe rouge

Dans la pulpe rouge, les sinusoïdes veineux sont identifiables parce que ce sont de larges espaces vasculaires qui apparaissent plus clairs que les structures voisines. Ils contiennent de nombreux éléments sanguins et sont délimités par un endothélium discontinu.

Cette discontinuité est bien visible lorsque l'on peut examiner la face externe d'un sinusoïde au microscope électronique à balayage. La paroi est percée d'orifices délimités par des cellules étoilées anastomosées entre elles. A travers les orifices on aperçoit la cavité du sinusoïde et les globules rouges, en forme de disque, qu'il contient.

Grâce à ces orifices, la paroi du sinusoïde est perméable à tous les éléments figurés du sang. Ici, la fixation a saisi un lymphocyte qui s'étire entre les cellules endothéliales. Bien sûr, on ne peut décider sur la base de telles images si ces cellules quittent le sinusoïde ou y pénètrent.

Les cordons de Billroth sont situés entre les sinusoïdes veineux et entre ceux-ci et les autres structures de la rate. Leurs mailles contiennent tous les éléments sanguins. Elles sont particulièrement riches en macrophages reconnaissables sans doute à leur taille, à l'excentricité de leur noyau ou à l'irrégularité de leurs contours, mais surtout à leurs vacuoles cytoplasmiques ou, comme ici, aux inclusions pigmentaires brunâtres.

Ces mailles sont faites de cellules réticulées comme celles des sinus médullaires du ganglion. Cette image, prise au microscope électronique à balayage, montre comment ces cellules s'articulent pour former un véritable labyrinthe.

La distinction entre sinusoïdes veineux et cordon de Billroth est très nette lorsque la réticuline est mise en évidence. Dans le tissu réticulé des cordons, les fibres forment un réseau dont les mailles sont de taille variable. Le squelette fibreux des sinusoïdes, coupés longitudinalement, apparaît comme une suite de points foncés, parce que les fibres de réticuline sont concentriques par rapport à la lumière du vaisseau.

4.3. Vascularisation

La vascularisation lymphatique de la rate n'est pas connue. Sa vascularisation sanguine est importante car c'est d'elle que dépendent en grande partie les fonctions spléniques. Une seule artère assure toute la vascularisation; c'est l'artère splénique, branche du tronc coeliaque qui aboutit au hile de l'organe et s'y divise en plusieurs branches. Le retour veineux est assuré par la veine splénique qui reçoit la petite veine mésentérique puis s'unit à la grande veine mésentérique derrière la tête du pancréas pour former la veine porte. Tout le sang en provenance de la rate est donc destiné au foie.

4.3.1. Réseau artériel

La circulation intrasplénique est complexe et toujours discutée. Chaque branche de l'artère splénique (1) se ramifie dans les travées (2). A chaque division, les artérioles diminuent de calibre et lorsque leur diamètre ne dépasse plus deux dixièmes de millimètre, elles quittent les travées. On les appelle dès lors les artères centrales (3) parce qu'elles sont immédiatement enveloppées par les manchons périartériolaires de la pulpe blanche. Ces artères centrales se ramifient un petit nombre de fois. Lorsque leur diamètre est d'environ 50 microns, elles se divisent en un pinceau de petites branches, les artères pénicillées (4) qui quittent progressivement la pulpe blanche pour pénétrer dans la pulpe rouge. Elles donnent naissance à de courts capillaires (5). A partir d'ici les opinions divergent. Pour les tenants de la circulation ouverte (A), ces capillaires s'ouvrent dans les espaces réticulés des cordons de Billroth (6). Ceux- ci sont drainés par les sinusoïdes (7) qui s'unissent pour former les veines septales (8). Toutes convergent vers le hile où elles se jettent dans une branche de la veine splénique (9). Pour les partisans de la circulation fermée (B), les capillaires des artères pénicillées ne s'ouvrent pas dans les espaces réticulés mais sont en continuité avec les sinusoïdes veineux. Les deux types de circulation pourraient coexister ou alterner selon l'état physiologique de la rate.

4.3.1.1. Artères septales

L'artère septale se reconnaît facilement. Sa lumière est délimitée par un endothélium pavimenteux simple. Sa média musculeuse est épaisse. Les fibres musculaires lisses, disposées en plusieurs couches, sont ici coupées longitudinalement parce que la coupe dans l'artère est transversale. L'adventice est réduite au peu de tissu conjonctif qui appartient à la travée

4.3.1.2. Artères centrales

Les artères centrales sont beaucoup plus petites. L'endothélium est continu. La média musculeuse est réduite. L'adventice est constituée uniquement des lymphocytes appartenant aux gaines périartériolaires. Le terme "artère centrale" est un peu abusif car elles sont rarement situées au centre de leur manchon qui est d'ailleurs fréquemment déformé par l'apparition des centres germinatifs. Ceux-ci ne possèdent pas d'artère.

4.3.1.3. Artères pénicillées

Les plus petites artères centrales se divisent en artères pénicillées. Voici cette division en coupe transversale. Les artères pénicillées sont très petites. Le diamètre de leur lumière n'excède pas celui d'un globule rouge. Leur média est réduite à une seule couche de muscle lisse et est parfois enveloppée d'une mince adventice conjonctive.

Voici l'artère pénicillée en coupe longitudinale, telle qu'on l'observe le plus fréquemment. Sa lumière est délimitée par les cellules endothéliales dont on voit les noyaux allongés. La média est représentée par les quelques noyaux plus épais situés en dehors de l'endothélium. Cette média devient de moins en moins importante à mesure que l'on se rapproche de la pulpe rouge où l'artère pénicillée se résout en très courts capillaires.

Dans certaines espèces, en particulier les carnivores comme le chien et la chat, ces capillaires de la pulpe rouge ont une enveloppe spéciale, la housse de Schweigger-Seidel composée d'un amas de cellules dites épithélioïdes ...

Cette housse peut envelopper un capillaire ou l'ensemble des capillaires issus d'une artère et est fréquemment infiltrée de globules rouges. Sa signification n'est pas connue. Elle n'existe ni chez l'homme ni chez les rongeurs.

4.3.2. Sinusoides de la rate

La transition entre les branches des artères pénicillées et le reste de la circulation est rarement observée; le choix entre la circulation ouverte et la circulation fermée est donc difficile, certaines images plaident cependant en faveur de la première. Ici, par exemple, l'artère pénicillée paraît s'ouvrir dans le réticulum d'un cordon de Billroth.

La même impression se dégage de l'analyse de cette micrographie, prise au microscope électronique à balayage.

Les sinusoïdes sont drainés par des veinules qui aboutissent aux veines septales. Celles-ci sont larges, souvent gorgées de sang. La lumière est délimitée par un endothélium. La média se confond avec le tissu de la travée dans laquelle elle se trouve. Rappelons que cette travée contient chez certaines espèces des fibres musculaires lisses dont la disposition est longitudinale. On ne peut donc confondre ces fibres musculaires qui accompagnent la veine septale avec l'anneau musculaire continu d'une artère.

4.4. Fonctions de la rate

4.4.1. Filtration

La rate est avant tout un filtre disposé sur la circulation artérielle. C'est aussi un organe immunitaire périphérique. Pendant la vie embryonnaire, elle est hématopoïétique. Elle est parfois considérée comme une réserve de globules rouges. Elle peut l'être dans les espèces qui possèdent une grande rate dont la musculature est développée. Chez elles, la rate se contracte lors d'un effort puissant. Chez l'homme cette fonction est très peu importante car le volume de globules rouges spléniques ne dépasse pas 50 ml. La rate n'est pas indispensable. En cas de splénectomie, ses fonctions sont reprises par d'autres organes.

Le filtre splénique agit au niveau de la circulation sanguine, de la même façon que les filtres ganglionnaires agissent au niveau de la circulation lymphatique.

4.4.2. Destruction des globules rouges âgés

Mais le rôle principal de cette filtration - et pratiquement le seul dans les conditions normales - est l'élimination des globules rouges.

Cette élimination a lieu dans la pulpe rouge. Les globules rouges vieillis s'accolent aux macrophages, à cause d'une modification de leur membrane.

Ils sont ensuite phagocytés et pendant un temps très bref on peut les reconnaître entiers dans le cytoplasme des macrophages, mais très rapidement leur hémoglobine est dégradée.

Cette dégradation libère du fer, partiellement fixé dans l'hémosidérine. Celle-ci est un pigment intracellulaire qui apparaît sous forme de granules brunâtres de toutes tailles.

Le fer fixé dans l'hémosidérine peut être coloré par le bleu de Prusse dans des coupes traitées suivant la technique de Perls, utilisée en pathologie pour détecter toute surcharge ferrique. Les noyaux sont ici mis en évidence par le rouge nucléaire. Une autre fraction du fer est fixée sur une protéine plasmatique, la transferrine. Elle servira dans la moelle a synthétiser de la nouvelle hémoglobine. La portion hémique de l'hémoglobine dégradée diffuse dans le plasma, arrive au foie, et y est transformée en bilirubine.

4.4.3. Fonction immunitaire

La fonction immunitaire de la rate est la même que celles des ganglions. Elle intervient donc dans l'immunité humorale et dans l'immunité cellulaire. Le siège de cette fonction est la pulpe blanche.

La pulpe blanche est contrôlée par les organes lymphoïdes centraux. La partie centrale des manchons périartériolaires est thymodépendante. La partie périphérique de ces manchons et les centres germinatifs sont dépendants de l'homologue de la bourse de Fabricius. Cette fonction immunitaire comme les autres d'ailleurs n'est pas déterminante. La splénectomie n'affecte pas l'immunité.

La fonction hématopoïétique de la rate n'existe, chez l'homme, que pendant la vie embryonnaire. Elle est normalement reprise par la moelle osseuse peu avant la naissance. Une recrudescence de l'hématopoïèse splénique s'observe lors d'une défaillance pathologique de la moelle. Chez certains rongeurs elle persiste normalement durant la vie adulte; c'est pourquoi on trouve dans leurs cordons de Billroth des cellules qui appartiennent à la lignée des granulocytes, des érythroblastes ou comme ici des mégacaryocytes.

Nous avons terminé ainsi l'étude de la rate. La leçon suivante est consacrée aux structures lymphoïdes annexées au tube digestif.