Le système digestif (Cours 7)


8. Les glandes salivaires

8.1. Généralités

Les glandes salivaires sont des glandes exocrines annexées à la cavité buccale. Il existe des glandes salivaires microscopiques ou accessoires et des glandes salivaires macroscopiques ou principales. L'ensemble des sécrétions de ces glandes constitue la salive. Nous terminerons en précisant sa composition, ses fonctions et le contrôle de sa sécrétion.

8.1.1. Glandes salivaires accessoires

Les glandes salivaires accessoires sont éparpillées dans le chorion des muqueuses jugales, labiales, linguale, sublinguale, palatine et pharyngée. Elles sont très petites, de 1 à 3 mm de diamètre et constituées de quelques acini drainés par un canal excréteur court, non ou peu ramifié. Généralement les acini, muqueux et séreux, sont mélangés. Il existe cependant des glandes séreuses pures (A), situées notamment dans le fond du sillon entourant les papilles circonvallariées de la langue où elles sont appelées glandes de von Ebner, et des glandes muqueuses pures (B) disséminées au niveau du palais et de la base de la langue.

La sécrétion des glandes salivaires accessoires est continue. Au niveau de la langue, elle rince les sillons des papilles, imbibe les bourgeons gustatifs et contribue ainsi aux qualités discriminatives de la gustation.

8.1.2. Glandes salivaires principales

Les trois paires de glandes salivaires principales sont disposées symétriquement dans les parois de la cavité buccale où leur produit de sécrétion est déversé par des canaux excréteurs distincts. Elles sont anatomiquement individualisées et sont appelées : glande parotide (1), glande sous­maxillaire (2) et glande sublinguale (3). Leur sécrétion est discontinue, induite par des stimuli mécaniques, thermiques, chimiques, psychiques ou olfactifs. Au début de leur développement embryologique, ces glandes sont des expansions pleines de l'épithélium buccal. Les structures sécrétrices se forment après le système canalaire, à partir des extrémités des canaux les plus fins. La morphogenèse ne sera définitive qu'après la naissance, pour les éléments séreux, et un peu avant, pour les éléments muqueux. Le mésenchyme adjacent et le système nerveux, surtout orthosympathique, jouent un rôle important dans cette morphogenèse.

8.1.3. Aspects histologiques

8.1.3.1. Acini

Les glandes salivaires principales comprennent des éléments sécréteurs regroupés en grappes (A) et constitués d'acini séreux, muqueux ou séromuqueux et un système canalaire ramifié (B), partagé en différents segments. Les canaux intralobulaires comprennent les canaux intercalaires et les canaux striés. Chaque canal intercalaire draine un acinus, chaque canal strié draine un lobule. Plusieurs canaux striés confluent vers un canal interlobulaire qui aboutit au canal excréteur principal. La capsule conjonctive de la glande émet des cloisons qui la partagent en lobes et en lobules et renferment des vaisseaux sanguins, des nerfs et les canaux excréteurs interlobulaires et principal.

L'aspect histologique des cellules muqueuses, des cellules séreuses, des cellules myoépithéliales, de la membrane basale et des acini a été décrit dans le cours d'histologie générale. Les acini mixtes, séromuqueux possèdent à la fois des cellules séreuses et des cellules muqueuses agencées de telle sorte que la paroi de l'acinus est tapissée par les cellules muqueuses et que son extrémité borgne est coiffée par les cellules séreuses disposées en croissants, dits de Gianuzzi. La sécrétion de ces cellules séreuses est drainée par de fins canalicules qui serpentent entre les cellules muqueuses et se jettent dans la lumière de la glande. Ces canalicules ne sont pas visibles à ce grossissement.

Grâce à des colorants spécifiques du mucus, tel que le mucicarmin, on peut distinguer les cellules muqueuses colorées en rouge et disposées le long de la lumière glandulaire et les cellules séreuses disposées en croissant autour des cellules muqueuses.

8.1.3.2. Canaux excréteurs

La lumière des canaux intercalaires (A) est étroite et bordée par des cellules aplaties; celle des canaux striés (B) qui leur font suite est plus large et bordée de cellules épithéliales pyramidales, unies à leur pôle apical par des complexes de jonction. Leur pôle basal est strié.

Cette striation basale est due à de nombreuses mitochondries verticales, insérées entre des invaginations parallèles de la membrane plasmique. Le pôle cellulaire apical est, pour sa part, hérissé de nombreuses microvillosités. Les cellules des canaux striés ressemblent aux cellules des tubes contournés proximaux du rein et sont comme elles impliquées dans le transport actif des électrolytes, notamment du sodium qui y est résorbé. La salive produite par les glandes pourvues de canaux striés devient ainsi hypotonique tandis que celle produite par les glandes dépourvues de canaux striés est isotonique.

Le calibre des canaux interlobulaires (A) et principaux (B) croît au fur et à mesure que l'on se rapproche de la cavité buccale et leur épithélium cylindrique simple est progressivement modifié pour devenir pavimenteux stratifié près de l'orifice buccal. Cet épithélium s'enrichit par endroits de cellules caliciformes et de cellules myoépithéliales. La salive ne semble pas y subir de modifications quantitatives notables.

8.2. Parotide

La parotide est la plus volumineuse des glandes salivaires. Elle occupe une loge située devant l'oreille, entre la mastoïde, la branche montante de la mandibule et l'arcade zygomatique sous laquelle elle se prolonge. Le canal excréteur, ou canal de Stenon, part de cette portion sous­zygomatique, chemine dans la joue et s'ouvre dans la cavité buccale à hauteur de la deuxième prémolaire supérieure.

La parotide est enveloppée par une capsule fibreuse de laquelle se détachent de nombreux septa qui divisent la glande en lobes et en lobules. Le tissu conjonctif de cette armature fibreuse renferme des vaisseaux, des nerfs et des adipocytes dont le nombre croît avec l'âge. Les canaux interlobulaires y cheminent également.

Le parenchyme de la parotide est constitué d'acini séreux. Leur lumière punctiforme est délimitée par une seule couche de cellules pyramidales. Les cellules séreuses renferment dans leur pôle apical des grains de zymogène, dissous, dans ce cas­ci, au cours de la préparation du tissu. Ils sont constitués de protéines libérées sous forme d'enzymes dans la sécrétion salivaire. Le pôle basal de ces cellules contient le noyau et est riche en ribosomes.

8.3. Sous-maxillaire

La glande sous­maxillaire est située dans le plancher de la bouche sous le corps de la mandibule, entre celui­ci et les muscles. Le canal excréteur, ou canal de Wharton, s'ouvre sur le côté du frein de la langue.

La sous­maxillaire est entourée par une capsule fibreuse bien délimitée. La plupart des acini sont purement séreux, quelques­uns sont muqueux mais le plus souvent les cellules muqueuses forment avec les cellules séreuses des acini mixtes (flèches). Les canaux de la glande sont aussi bien développés que ceux de la parotide; les canaux intercalaires sont cependant plus courts et par conséquent se voient moins souvent dans les coupes histologiques, tandis que les canaux striés sont plus longs et donc mieux visibles. Les lobules de la glande sont séparés les uns des autres par du tissu conjonctif riche en adipocytes.

8.4. Sublinguale

La glande sublinguale est allongée en dedans de la glande sous­maxillaire, directement sous la muqueuse du plancher buccal. Cette glande est en fait un agglomérat de huit à vingt petites glandes, s'ouvrant individuellement dans le plancher buccal. Le canal le plus important ou canal de Bartholin possède un orifice proche mais indépendant du canal de Wharton.

Il n'y a pas de réelle capsule autour de la sublinguale mais les septa conjonctifs sont plus importants que dans la parotide et la sous­maxillaire. Dans la glande sublinguale, les acini purement séreux sont rares, les quelques cellules séreuses retrouvées forment des croissants de Gianuzzi; la plupart des acini sont donc purement muqueux. Les canaux intralobulaires, tant intercalaires que striés, sont très courts. Les canaux principaux sont nombreux, droits et courts.

8.5. Innervation-vascularisation

L'innervation sensitive des glandes salivaires principales est assurée par le nerf trijumeau. L'innervation effectrice est assurée par le système autonomique via le nerf glossopharyngien et le ganglion otique pour la glande parotide et via la corde du tympan et le ganglion mandibulaire pour la sous­maxillaire et la sublinguale.

La vascularisation sanguine est assurée par l'artère faciale et la carotide externe pour la glande parotide, les artères faciale et linguale pour la glande sous-maxillaire, les artères sublinguale et sous­mentonnière pour la glande sublinguale. Les capillaires sont disposés en deux réseaux réunis par des veines portes. Le premier réseau est disposé autour des canaux et le second autour des acini. Le flux sanguin circule donc en sens inverse du flux salivaire, ce qui permet une concentration de la salive.

8.6. Résumé

Ce tableau résume les caractéristiques les plus importantes des glandes salivaires principales.

8.7. Histophysiologie

8.7.1. Salive

La salive est l'ensemble des sécrétions de toutes les glandes salivaires. Son volume quotidien est d'un litre à un litre et demi et les glandes sous­maxillaires assurent les deux tiers de cette sécrétion. La sécrétion des glandes salivaires principales est discontinue, consécutive à des stimuli principalement lies à l'absorption d'aliments. La sécrétion des glandes salivaires accessoires est continue mais son volume quotidien est infime par rapport au volume salivaire total. La salive est une solution aqueuse d'immunoglobulines, d'enzymes tels que le lysozyme, l'amylase et la maltase, d'autres protéines, de sels minéraux et de métaux lourds. Dans la cavité buccale, la salive s'enrichit en cellules pavimenteuses desquamées, en lymphocytes, en polynucléaires et en éléments bactériens appartenant à la flore commensale.

La salive assure l'humidification constante et la lubrification des muqueuses buccale et labiales, le rinçage de la bouche et l'élimination des débris alimentaires et cellulaires afin d'éviter la fermentation de ceux­ci et la pullulation des bactéries toujours présentes dans la bouche. Elle intervient dans la digestion en ramollissant les aliments ce qui facilite leur déglutition et permet une meilleure perception des saveurs par les bourgeons gustatifs. Le rôle des enzymes salivaires est évanescent car elles sont neutralisées par le pH acide de la cavité gastrique.

La sécrétion de la salive intervient dans le maintien de la balance hydrique car la déshydratation tarit la sécrétion salivaire créant la sensation de soif. Outre les électrolytes, les métaux lourds sont excrétés par la salive. Les glandes salivaires concentrent les iodures et le calcium.

8.7.2. Contrôle de la sécrétion

Le contrôle de la sécrétion salivaire est assure en grande partie par les systèmes nerveux orthosympathique et parasympathique, notamment sous l'effet de stimuli locaux, gustatifs, olfactifs, irritatifs des muqueuses buccale, oesophagienne ou gastrique, ou de stimuli psychiques. La stimulation expérimentale du système orthosympathique entraîne la sécrétion d'une salive épaisse et muqueuse, tandis que la stimulation parasympathique provoque la sécrétion d'une salive fluide et abondante.

9. Pancréas

9.1. Embryologie - Anatomie

Le pancréas se forme à partir de deux ébauches, l'une ventrale (1) contiguë à l'ébauche hépatique (2) et l'autre dorsale (3). L'une et l'autre sont des excroissances endodermiques duodénales (4). L'ébauche dorsale (3) dont la croissance est plus importante, formera la majeure partie de la glande et est centrée sur un canal excréteur, le canal de Santorini (A). L'ébauche ventrale suit le duodénum au cours de sa rotation puis s'accole et fusionne avec la partie inférieure de la portion juxta­duodénale de l'ébauche dorsale. Cette ébauche ventrale deviendra la moitié inférieure de la tête du pancréas et est drainée par le canal de Wirsung (B) qui, chez 90% des individus, fusionne avec le canal de Santorini et devient le canal excréteur unique.

Le pancréas mesure 20 à 25 cm de long et pèse entre 65 et 160 grammes, 99% de sa masse étant constitués par sa portion exocrine. Sa configuration est telle qu'il a été comparé à un crochet ou à un marteau. Il comporte trois segments : la tête accolée à la concavité duodénale, le corps et la queue adjacente au hile splénique. Lorsqu'il est frais, le pancréas est rose pâle et est recouvert par un très fin tissu fibreux insuffisant pour constituer une capsule véritable et pour masquer sa lobulation. La vascularisation artérielle est assurée par les artères gastroduodénale, mésentérique supérieure et splénique. La circulation veineuse aboutit au système porte hépatique. Les nerfs suivent les artères; ils proviennent du plexus coeliaque (fibres nerveuses orthosympathiques amyélinisées) et du pneumogastrique (fibres nerveuses parasympathiques myélinisées). Le drainage lymphatique est assure par les différentes chaînes voisines.

9.2. Histologie

9.2.1. Stroma conjonctif

Le tissu conjonctif du pancréas est pauvre en fibres et peu abondant; il forme des septa qui divisent l'organe en lobules et une enveloppe ténue qui recouvre l'organe et est tapissée à la face ventrale par le péritoine. Les septa sont parcourus par les vaisseaux sanguins et lymphatiques, par les nerfs et par les canaux excréteurs (A); ils contiennent quelques ganglions lymphatiques, de petits ganglions nerveux et des corpuscules de Vater­Paccini (B). Le tissu conjonctif se condense davantage autour des canaux excréteurs interlobulaires et principaux. La quantité d'adipocytes augmente avec l'age.

9.2.2. Acini

L'acinus séreux pancréatique se distingue de l'acinus des glandes salivaires par des contours plus irréguliers, l'absence de cellules myoépithéliales et la présence de cellules centro-acineuses. L'aspect et la taille des acini et des cellules séreuses sont fonction de leur degré d'activité. Le tissu conjonctif contigu est lâche et renferme des capillaires et des terminaisons nerveuses libres qui entrent en contact avec le pôle basal des cellules sécrétrices.

Les cellules séreuses, de forme pyramidale, ont un pôle basal parce qu'il est riche en ergastoplasme, un noyau rond, situé dans la moitié basale de la cellule, et un pôle apical qui renferme des grains de zymogène. Les cellules centro-acineuses appartiennent aux voies excrétrices et délimitent en fait un prolongement du canal intercalaire au centre même de l'acinus. Les cellules centro-acineuses ont un noyau central et rond, pauvre en hétérochromatine et un cytoplasme pâle peu important, pauvre en organites.

9.2.3. Canaux excréteurs

Le canal intercalaire (A) commence donc le plus souvent au sein même de l'acinus, par les cellules centro-acineuses; parfois, il fait simplement suite à l'acinus sans s'y prolonger. Le canal intercalaire est long et étroit, bordé d'un épithélium simple et aplati. Il se jette dans un canal intralobulaire désigné par une flèche en (B) dont l'épithélium est cubique. Ce canal intralobulaire, très court, n'est pas strié. L'épithélium des canaux interlobulaires (C) est d'abord cubique puis cylindrique simple; il contient quelques cellules caliciformes.

Les canaux interlobulaires s'abouchent à angle plus ou moins droit au canal de Wirsung qui parcourt la glande sur toute sa longueur, l'ensemble présentant une architecture en arête de poisson. Le canal de Wirsung augmente de calibre de la queue du pancréas vers la tête ou il rejoint le canal cholédoque avec lequel il s'ouvre dans la lumière duodénale au niveau d'un orifice unique, l'ampoule de Vater, entourée par le sphincter musculaire lisse d'Oddi.

Parfois les deux canaux s'abouchent au duodénum séparément. L'épithélium du canal de Wirsung est cylindrique pluristratifié et repose sur un chorion riche en fibres de collagène et en fibres élastiques; on y observe, prés de l'orifice duodénal, quelques glandes muqueuses et des cellules musculaires lisses.

9.3. Histophysiologie

L'histophysiologie du pancréas exocrine, par laquelle nous terminerons cette leçon, s'intéresse à la sécrétion du suc pancréatique et à la régulation de cette sécrétion. Un pancréas adulte sécrète quotidiennement dans la lumière duodénale environ deux litres et demi d'un suc aqueux incolore et alcalin, riche en électrolytes, en bicarbonates et en enzymes. Ce liquide alcalin contribue à neutraliser, par sa richesse en ions bicarbonates, l'acidité du chyme gastrique avant son entrée dans le jéjuno­iléon. L'eau et les bicarbonates proviennent en grande partie des cellules centro-acineuses et des canaux excréteurs.

Les enzymes du suc pancréatique dégradent les protéines, les lipides, les hydrates de carbone et les acides nucléiques du bol alimentaire; elles comptent des peptidases, une lipase, des estérases, une amylase et des nucléases. Exceptées la lipase et l'amylase, toutes ces enzymes sont sécrétées sous forme inactive et sont activées dans la lumière intestinale, ce qui protège le parenchyme pancréatique de l'autodigestion. A titre d'exemple retenons que l'entérokinase, sécrétée par la muqueuse duodénale, active le trypsinogène en trypsine qui elle­même active le chymotrypsinogène en chymotrypsine.

La sécrétion enzymatique est mérocrine. Elle résulte de l'exocytose des grains de zymogène par les cellules séreuses dans la lumière de l'acinus dont le volume est ainsi accru, tandis que les cellules raccourcissent.

La régulation de cette sécrétion pancréatique est hormonale et nerveuse. La sécrétion pancréatique est minime dans des conditions basales, elle s'accroît considérablement lors des repas. Cette activation est principalement contrôlée par des hormones sécrétées par les cellules endocrines des muqueuses pylorique et duodénale, atteignant par voie sanguine les canaux et acini pancréatiques. La sécrétine est libérée par la muqueuse duodénale au contact du chyme acide et active la sécrétion de l'eau et des bicarbonates par les cellules canalaires. La pancréozymine, la cholecystokinine et la gastrine sont sécrétées, les deux premières par la muqueuse duodénale, la troisième par la muqueuse pylorique, en présence de produits de dégradation des protéines. Elles stimulent la libération des enzymes dans le suc pancréatique ainsi que l'évacuation concomitante de bile.

La régulation nerveuse de la sécrétion pancréatique paraît évidente mais est mal expliquée. Expérimentalement, la stimulation électrique ou psychique des pneumogastriques augmente la teneur en enzymes de cette sécrétion. En fait, ce contrôle nerveux pourrait être subordonné à la régulation hormonale.

La prochaine leçon sera consacrée au foie.